Les changements liturgiques du Pape Pie XII : Un catholique peut-il rejeter les lois promulguées par un Pape légitime ? Les modernistes, dans leur tentative de détruire la liturgie catholique, introduisirent progressivement et astucieusement la « Nouvelle Messe », aussi appelée Novus Ordo, les nouveaux sacrements et les changements liturgiques qui découlaient de Vatican II. En conséquence, les catholiques sont devenus réticents à changer la liturgie. Malheureusement, certains traditionalistes sont allés plus loin, rejetant même les changements légitimes introduits par le Pape Pie XII, qu’ils considèrent comme un Pape légitime.
Ils soutiennent à tort que certains de ces changements, y compris la Semaine Sainte Réformée, ont été les premiers pas vers le Novus Ordo, grâce à l’implication de Monseigneur Annibale Bugnini, ainsi que quelques retouches faites par d’autres modernistes. Ces âmes fortement têtues ne rejettent pas complètement les changements ; elles se rassemblent et choisissent ce qu’elles vont accepter et ce qu’elles vont rejeter. Par exemple, ils observent la réforme du jeûne eucharistique du Pape et la permission de dire des Messes du soir : qui leur a donné l’autorité pour déterminer ce qu’il faut suivre concernant les rites liturgiques, les décrets, les rubriques ?
Le Pape Pie XII a promulgué plusieurs changements liturgiques, dont les suivants :
1/ Pendant de nombreux siècles, l’Église catholique a exigé que les gens jeûnent à partir de minuit sans manger ni boire quoi que ce soit, y compris de l’eau, avant de recevoir la communion. En 1950, le Pape Pie XII a modifié les lois sur le jeûne pour les boissons non alcoolisées et pour les repas et les boissons alcoolisées. Vous pouvez boire de l’eau et prendre des médicaments à tout moment avant de recevoir la Sainte Eucharistie. Le résultat de ces mouvements est que les catholiques peuvent recevoir Notre Seigneur plus fréquemment dans la Sainte Communion. Les prêtres américains qui récitent souvent plusieurs Messes ou Messes du soir le dimanche ont apprécié ces changements.
2/ Sa Sainteté a permis la célébration de la Messe l’après-midi et le soir – un changement très notable par rapport à l’observance précédente.
3/ En 1955, il simplifia les rubriques du bréviaire romain et du missel en changeant la classe de certaines fêtes et en supprimant quelques octaves et veilles. Il a mis en œuvre les réformes bréviaires que le Pape Saint Pie X a faites pour le bréviaire monastique.
4/ En 1955, le Pape Pie XII approuva la Nouvelle Semaine Sainte, au cours de laquelle certaines des cérémonies qui avaient été modifiées au fil des ans furent restaurées. Il a également facilité la participation des travailleurs aux cérémonies du Jeudi saint, du Vendredi saint et de la Veillée pascale en les ramenant à leur heure originale et appropriée. Dans les temps apostoliques, l’Église catholique célébrait la liturgie du Jeudi Saint, du Vendredi Saint et de la Veillée pascale « aux mêmes heures du jour où ces mystères sacrés se sont produits. Ainsi, l’institution de l’Eucharistie a eu lieu le soir du Jeudi Saint, la Passion et la Crucifixion ont eu lieu dans les heures qui ont suivi midi le Vendredi Saint et la Veillée pascale a eu lieu dans la nuit du Samedi Saint, se terminant le matin du jour pascal avec le Jubilé de la Résurrection de Notre Seigneur.
« Au cours de Moyen Âge…[l’Église], pour diverses raisons pertinentes, a commencé à faire, dans les premières heures, les représentations liturgiques de l’époque, puis, vers la fin de cette période, tous ces services liturgiques ont été transférés au matin. Cela n’a pas été sans nuire à la signification liturgique et à la confusion entre les récits évangéliques et les cérémonies liturgiques qui s’y rattachent ». (Décret de la Sacrée Congrégation des Rites, pp. 1-2, 16 novembre 1955)
Les services liturgiques solennels du Jeudi Saint, du Vendredi Saint et de la Veillée pascale ont eu lieu le matin dans des églises presque vides parce que peu de gens pouvaient y assister. Les écoliers ont dû supplanter les hommes lors de la cérémonie de lavement des pieds le Jeudi Saint parce qu’ils devaient travailler. Grâce à la restauration de la Semaine Sainte par le Pape Pie XII, l’Église est maintenant pleine et les fidèles viennent en grand nombre pour assister aux cérémonies et recevoir la Sainte Communion.
En 1951, le Pape Pie XII restaure la Veillée pascale pour la nuit, en son temps :
« Pendant des siècles, l’Église a vu l’incongruité de la célébration de la Veillée pascale – un service dont les textes [par exemple alléluia] et les symbolismes [par exemple Lumen Christi] se penchent manifestement vers les heures du soir – aux premières heures du Samedi Saint matin, quand le Christ ne s’était certainement pas encore levé. » (John Miller, C.S.C., « The History and Spirit of Holy Week », The American Ecclesiastical Review, p. 235.)
Le Pape Pie XII réduit le nombre de leçons récitées de douze à quatre, revenant à la pratique de saint Grégoire le Grand. Le Pape a ordonné que le jeûne du Carême se termine à minuit le Samedi Saint au lieu du soir pour compléter les 40 jours de jeûne, et non les 39 jours de jeûne. Cette loi disciplinaire assure que le Samedi Saint conserve son caractère de tristesse par la mort de Notre Rédempteur couché dans le Saint Sépulcre.
5/ En 1954, le Pape Pie XII révisa l’Office divin en omettant plusieurs prières, comme le Notre Père, l’Ave Maria et le Credo avant les heures, les prières des Laudes et des Vêpres à quelques exceptions près, le long Credo athanasien, à l’exception du jour de la Très Sainte Trinité, etc. Selon la Sacrée Congrégation des Rites, l’objectif proposé de ces modifications était « de réduire la grande complexité des rubriques à une forme plus simple ».
Saint Pie X avait déjà introduit certains de ces changements dans le bréviaire monastique. Sous l’influence des bénédictins, le Pape Pie XII les étendit à tout le clergé. En simplifiant les rubriques et en diminuant le nombre de prières, le bréviaire est devenu plus facile pour les prêtres d’accomplir fidèlement et pieusement leur obligation de réciter chaque jour l’office divin. Le clergé a accueilli avec joie ces sages changements.
Le Pape Pie XII approuva et promulgua officiellement ces changements. Bugnini n’avait pas le pouvoir de promulguer quoi que ce soit. Faire référence à la Nouvelle Semaine Sainte comme à la liturgie de Bugnini n’est pas très ingénieux et même intellectuellement malhonnête. Quel que soit son rôle, cela n’enlève rien au fait que plusieurs cardinaux et liturgistes orthodoxes ont été impliqués dans la préparation de ces changements.
La Sacrée Congrégation des Rites a été créée pour diriger la liturgie de l’Église latine. Par Église latine, on entend la partie de l’Église catholique, de loin la plus grande, qui utilise le latin dans ses cérémonies. Le Pape Pie XII a établi une commission « pour examiner la question de la restauration de l’Ordo de la Semaine Sainte et proposer une solution. Ayant obtenu la réponse, Sa Sainteté décréta, comme l’exigeait la gravité de la question, que la question dans son ensemble soit soumise à un examen spécial par les Cardinaux de la Sacrée Congrégation des Rites ».
Lorsque les Cardinaux se réunirent au Vatican en 1950, « ils examinèrent la question à fond et votèrent à l’unanimité pour que l’Ordo de la Semaine Sainte restauré soit approuvé et prescrit, sous réserve de l’approbation du Saint-Père. Sa Sainteté daigna approuver ce que les Cardinaux avaient décidé. Puis, par mandat spécial du Pape Pie XII lui-même, la Sacrée Congrégation des Rites a déclaré ce qui suit…[donnant des directives spécifiques, y compris :] Ceux qui suivent le rite romain sont obligés… de suivre l’Ordo de la Semaine Sainte Réformée, établi dans l’édition officielle du Vatican ». (Décret de la Sainte Congrégation des Rites, pages 1-2, 16 novembre 1955)
Selon le Pape Pie XII, les Réformes liturgiques qu’il a promulguées étaient « comme un signe des dispositions providentielles de Dieu sur le temps présent, comme un passage du Saint-Esprit dans son Église » (Actes du premier Congrès international de liturgie pastorale, Assise – Rome, 18-22 septembre 1956, p. 224). Le Christ a dit à saint Pierre et à tous ses successeurs : « Celui qui vous écoute, M’écoute. » (Luc 10, 16) Il s’agit de l’obéissance à l’Autorité suprême légitime de l’Église Catholique. Un vrai Pape a approuvé ces changements. Nous devons accepter ces changements comme légaux et dignes d’un suivi, à moins que nous puissions prouver que le Pape Pie XII n’était pas un vrai Pape.
Celui qui dit que le Pape Pie XII n’a pas approuvé la Semaine Sainte Restaurée, le dit sans fondement. Il est ridicule de dire que le Pape Pie XII n’avait aucune idée ce que la Sacrée Congrégation des Rites et le monde catholique tout entier faisaient à propos de la Semaine Sainte. N’est-ce pas le même argument que certains utilisent pour défendre les « Papes » post-conciliaires – que depuis la mort du Pape Pie XII, les « Vicaires du Christ » ne savent pas ce qui se passe dans l’Église Catholique ? L’argument selon lequel il était déjà âgé ou avait un autre handicap pour diriger l’Église est également complètement absurde à cause de la clarté de ses dernières encycliques, directives et discours de l’année même de sa mort.
Le Pape Pie VI stigmatisait comme « au moins erronée » l’hypothèse « que l’Église pouvait établir une discipline dangereuse, préjudiciable, propice à la superstition ou au matérialisme ». (Dz. 1578) Dans l’article 22, canon 7, le Concile de Trente a condamné quiconque dit que les cérémonies de l’Église sont un stimulus à l’impiété plutôt qu’à la piété.
Les changements introduits par le Pape Pie XII sont légaux, saints et propices à la sanctification et au salut des âmes. L’Église catholique a toujours enseigné qu’un Pape valide ne peut promulguer une cérémonie liturgique ou une loi qui est préjudiciable à la foi et à la piété et qui déplaît à Dieu. Dans de telles décisions, le Pape est protégé par l’infaillibilité.
Les théologiens enseignent que les lois disciplinaires universelles et les changements liturgiques sont des objets secondaires d’infaillibilité. Monseigneur Van Noort l’explique clairement : « L’axiome bien connu, Lex orandi est lex credendi (la loi de la prière est la loi de la foi), est une application spéciale de la doctrine de l’infaillibilité de l’Église en matière disciplinaire. Cet axiome dit en effet que la formule de la prière approuvée pour l’usage public de l’Église universelle ne peut contenir d’erreurs contre la foi et la morale. » (Église du Christ, p.116)
Les changements liturgiques du Pape Pie XII – l’institution de la fête de saint Joseph le travailleur, la restauration de la Semaine Sainte, les lois du jeûne eucharistique, etc. – ne conduisent point au péché. Si quelqu’un disait que ces changements sont hérétiques ou conduisent au péché, il accuserait l’autorité doctrinale infaillible de l’Église de pratiques sacrilèges et d’erreurs doctrinales qui corrompent la foi, compromettent ses doctrines et blessent les âmes. Une telle accusation nierait que le Christ protège Son Église et Sa sainte Liturgie du mal et de l’erreur.
Le Pape Pie XII interdit sans exception, dans un langage plus précis, aux prêtres d’utiliser l’ancienne liturgie et condamne également l’antiquarisme (archéologie), c’est-à-dire la pratique du retour aux observances liturgiques primitives pour non-conformité aux rubriques concurrentes et aux lois ecclésiastiques, ce qui, en une telle occasion, serait implicite dans la non-activité du Saint Esprit à diriger l’Église. Le plus vieux n’est pas toujours le meilleur, surtout quand il défie les ordres d’un vrai Pape.
La raison pour laquelle nous suivons les changements liturgiques du Pape Pie XII est l’autorité infaillible de l’Église pour enseigner. Les changements ont été autorisés par un Vicaire infaillible du Christ et ont été officiellement promulgués pour remplacer les anciens rites et lois existants. Puisque le Pape Pie XII était un vrai Pape, nous devons obéir à ses ordres concernant la sainte Liturgie. L’obéissance est la plus sûre, la plus cohérente et la règle de l’orthodoxie.
D’autre part, ceux qui acceptent Pie XII comme un vrai Pape tout en refusant d’accepter ses décrets liturgiques font preuve de rébellion et de désobéissance. En se rassemblant et en choisissant ce qu’ils veulent, ils se placent comme l’autorité suprême de l’Église catholique. Ils revendiquent le droit de juger le Pape, de filtrer ce qu’il enseigne et de décider ce à quoi ils vont obéir et ce qu’ils vont rejeter. Filtrer et choisir ce qui sera obéi et ce qui sera rejeté est une erreur. C’est un sceau de rébellion que de nier l’obéissance au vrai Vicaire du Christ ; la rébellion en matière d’obéissance à l’Autorité légitime est toujours un danger pour la foi.
Le gallicanisme était une hérésie contre la juridiction papale, qui avait tendance à limiter les pouvoirs du Pape. Elle a commencé au début du XVe siècle et s’est répandue dans toute l’Europe. Par conséquent, beaucoup d’européens ont perdu leur sens d’obéissance au Pape. En 1682, le clergé français formula les quatre articles qui sont devenus obligatoires pour toutes les écoles et pour tous les professeurs de théologie. Les quatre articles déclaraient que le jugement papal ne vaut rien sans le consentement de l’Église. Les Papes Alexandre VIII et Pie VI et le Concile du Vatican ont condamné le gallicanisme. Malheureusement, l’esprit du gallicanisme prévaut encore aujourd’hui.
Ceux qui rejettent les changements liturgiques du Pape Pie XII sont incohérents. S’ils acceptent Pie XII comme Pape, ils doivent se réserver leur propre opinion sur sa liturgie, mettre de côté leurs goûts et leurs aversions liturgiques, et simplement lui obéir. La mentalité catholique est d’obéir aux supérieurs légaux dans tout sauf le péché.
L’esprit d’obéissance à l’autorité légitime a été exprimé par la mère de Lucie, une des enfants de Fatima. Quand on a demandé à la mère de Lucie pourquoi le nouveau pasteur n’autorisait pas la danse et l’ancien l’interdisait, elle a répondu : « Je ne sais pas pourquoi l’ancien et le nouveau pasteur l’ont fait. Si le nouveau curé ne veut pas des danses, mes enfants ne danseront pas. »
Nous conclurons par un discours du Pape Saint Pie X devant les prêtres de l’Union Apostolique :
« Quand on aime le Pape, on ne discute pas au sujet des mesures ou des ordres qu’il donne ; on ne recherche pas jusqu’où doit aller l’obéissance, et quelles sont les choses dans lesquelles on doit obéir. Quand on aime le Pape, on n’objecte pas qu’il n’a pas parlé assez clairement, comme s’il était obligé de répéter à l’oreille de chacun ses volontés clairement exprimé, tant de fois, non seulement de vive voix, mais encore par des lettres et d’autres documents publics ; on ne met pas en doute ses ordres, sous le prétexte, si facile pour celui qui ne veut pas obéir, que ce n’est pas le Pape qui commande, mais ceux qui l’entourent. On ne limite pas le champ où son autorité peut et doit s’exercer. On ne préfère pas à l’autorité du Pape celle d’autres personnes, si doctes soient- elles, qui ne sont pas du même avis que le Pape : car, si elles ont la science, elles n’ont pas la sainteté, parce que celui qui est saint ne peut être en dissentiment avec le Pape. » (AAS 1912, p. 695)
Nous devons nous rappeler que tout cela s’applique à un Pape légitimement et validement élu, et non à un hérétique ou à un « Pape » invalidement élu – un faux Pape.
La position doctrinale de la CMRI sur la Semaine Sainte Restaurée
Les prêtres de la CMRI, conformément au décret publié en novembre 1955, observent la « Semaine Sainte Restaurée » qui fut ainsi ordonnée par le Pape Pie XII pour tous ceux qui suivent le rite romain. Ils agissent aussi en obéissance au décret infaillible du Concile Vatican I er de 1870, qui disait :
« En conséquence, Nous enseignons et déclarons que l’Église Romaine possède sur toutes les autres, par disposition du Seigneur, une primauté de pouvoir ordinaire, et que ce pouvoir de juridiction du Pontife Romain, vraiment épiscopal, est immédiat. Les pasteurs de tout rang et de tout rite et les fidèles, chacun séparément ou tous ensemble, sont tenus au devoir de subordination hiérarchique et de vraie obéissance, non seulement dans les questions qui concernent la foi et les mœurs, mais aussi dans celles qui touchent à la discipline et au gouvernement de l’Église répandue dans le monde entier. Ainsi, en gardant l’unité de communion et de profession de foi avec le Pontife Romain, l’Église est un seul troupeau sous un seul pasteur. Telle est la doctrine de la vérité catholique, dont personne ne peut s’écarter sans danger pour sa foi et son salut… » (Concile œcuménique de Vatican, Constitution dogmatique Pastor Æternus (sur l’Église du CHRIST), chap. III, IV e session, 18 juillet 1870, Denzinger n. 1830.)
Extrait d’une lettre adressée par une fidèle, en novembre 2021, à tous les Évêques et Prêtres non una cum (France et étranger) ayant choisi de ne pas obéir aux dernières dispositions de l’Église en matière de liturgie, et également envoyée en copie à tous les autres Prêtres non una cum. Cette lettre, qui fut largement diffusée en 2021, vient d’être mise à la disposition du public, dans son entièreté, sur le site www.linceul.fr. Elle présente l’intérêt de bien poser, tel qu’il se présente aux Fidèles, un problème important et, hélas ! toujours actuel.
La première partie de la lettre, non reproduite ici, retrace le parcours personnel de l’auteur où beaucoup, parmi les plus âgés, se retrouveront. C’est, dans les années 60, le changement de la messe contre le culte moderniste, qui se révèle vite incapable d’entretenir la Foi des Fidèles. S’ensuit pour l’auteur, l’abandon de la pratique religieuse pendant de nombreuses années. Puis la découverte de la subsistance de la Tradition grâce à la Fraternité Saint Pie X. Puis, longtemps ensuite, la découverte du vrai dogme de l’Infaillibilité de l’Église, dogme curieusement caché et dénaturé par la Fraternité. Et en même temps, la découverte de la messe « non una cum ». Enfin l’auteur vit une toute dernière déconvenue, constatant que les champions de l’infaillibilité de l’Église (la plupart des Prêtres non una cum) se dispensent d’appliquer les principes qu’ils défendent eux-mêmes, quand autre chose leur paraît meilleur…
Le problème aujourd’hui
Il arrive parfois « qu’un arbre cache une forêt… ». Mais ici, nous avons « une forêt qui cache un arbre… ».
La forêt, c’est l’énumération détaillée de tous les changements touchant la liturgie depuis Pie XII jusqu’à Paul VI (et qu’énumèrent en détail les ouvrages suivants : brochure M. l’Abbé RICOSSA, opuscule de M. l’Abbé RIOULT, ouvrages de feu Messieurs les Abbés BONNETERRE et CEKADA, à quoi s’ajoutent conférences, articles et entretiens publiés par Mgrs DOLAN, SANBORN, MM les Abbés DUTERTRE, MARCHISET, RICOSSA, RIOULT, ZINS et diverses conversations privées.
L’arbre caché, par cette forêt, ce n’est rien moins que l’AUTORITÉ DE L’ÉGLISE !
En effet, toutes les modifications liturgiques depuis Pie XII jusqu’à Paul VI sont présentées comme un bloc conduisant à la destruction de la messe. On peut voir les choses comme ça, bien sûr. Mais cette présentation masque un élément important.
Jusqu’au 9 octobre 1958, jour de la mort de Pie XII, le Christ possédait un vicaire sur terre en la personne de ce pontife. Mais ensuite, Jean XIII, Paul VI (et suivants) ayant œuvré à la démolition de l’Église du Christ, il est devenu impossible de voir en eux les vicaires du Christ.
Le Christ a doté son vicaire du charisme de l’infaillibilité (qui s’exerce à certaines conditions connues).
On peut donc être sûr que jusqu’au 9 octobre 1958 les décisions prises ex cathedra par un vrai pape sont couvertes par l’infaillibilité pontificale. A partir du 10 octobre 1958, ce n’est plus le cas. En effet, étant donné qu’il est impossible de voir en Jean XIII, Paul VI (et suivants) les authentiques vicaires du Christ, ceci signifie que les décisions prises par eux ne sont pas couvertes par l’infaillibilité, bien sûr.
Ce principe appliqué aux modifications liturgiques fait que les modifications qui sont présentées en bloc depuis Pie XII inclus jusqu’aujourd’hui doivent, exigent d’être considérées en deux parties distinctes : les modifications jusqu’à Pie XII inclus d’une part, et d’autre part celles adoptées à partir de Jean XXIII.
Jusqu’à pie XII, il est certain que les modifications liturgiques sont couvertes par l’infaillibilité pontificale. Elles sont valides, infaillibles, d’application obligatoire. Ne pas les appliquer serait fautif.
Les autres modifications, celles prises à partir de 1958 et jusqu’à ce jour, ne sont pas couvertes par l’infaillibilité. On sait qu’elles sont le fait d’usurpateurs, de démolisseurs de l’Église. Il serait fautif de les appliquer.
Alors, comment, le dilemme suivant se trouve-t-il traité ?
A. On ne nie pas la valeur des modifications prises par Pie XII.
B. On ne nie pas qu’elles soient couvertes par l’infaillibilité pontificale.
C. Mais on refuse de les appliquer.
En répondre à cette question, voici les motifs invoqués, selon les auteurs.
1. Les mesures prises par Pie XII n’étaient pas réellement de lui.
2. Les mesures ont été pensées et voulues par un traître (Mgr BUGNINI).
3. Les mesures prises par Pie XII font partie « du processus de destruction de la liturgie sacrée ».
4. Pie XII est mort, on n’a plus à lui obéir.
5. Pie XII était de caractère faible, il ignorait ce qui se passait.
6. Les mesures prises par Pie XII n’ayant pas été appliquées, et ayant été tout de suite remplacées par d’autres, sont donc caduques.
7. Une loi, pas mauvaise en soi, peut devenir mauvaise en fonction des circonstances.
8. Infaillibilité ne signifie pas obéissance, l’infaillibilité s’applique aux enseignements.
9. Justification par l’epikie.
Or, ces motifs ne tiennent pas, ni pris un par un, ni considérés tous ensemble.
Citons cette déclaration : « Il ne fait aucun doute pour nous : si nous venions à penser que Paul VI et ses successeurs étaient réellement Papes, nous nous soumettrions à l’instant même à leurs décisions, quelles qu’elles soient… ». Ce propos d’un prêtre catholique non una cum exprime un engagement de soumission à la papauté, qui est tout à fait normal. Car un catholique se reconnaît précisément à ce qu’il obéit au pape. Mais alors, sachant que Pie XII était pape (ce que personne ne conteste), à quel titre ce prêtre lui refuse-t-il obéissance ?
Comment est-il possible, en restant d’esprit catholique, ne pas prendre en compte une décision de l’Église, une décision du pape, du dernier vrai pape, une décision qui n’a été infirmée ou changée ultérieurement par aucun autre vrai pape ? Dans les ouvrages, plaquettes, articles, conférences et entretiens, où trouve-t-on une analyse correcte de ce problème pourtant réel et important ? Sauf erreur : nulle part. Le problème n’est pas analysé, semble-t-il. Il est seulement effleuré ça et là, et évacué. A travers les divers propos, il en est comme si la question de l’obéissance à Pie XII ne se posait pas. Comme si le refus d’obéissance allait de soi.
Pour exemple : cette question posée par écrit : « Monsieur l’Abbé, de quelle autorité vous prévalez-vous pour prendre cette décision de ne pas appliquer la liturgie décidée en 1955 ? », qui obtint cette réponse d’une incroyable désinvolture : « Aucune. ». Débrouillons-nous avec ça… Est-ce sérieux ? Est-ce honnête ? Pour exemple encore, les qualificatifs injurieux attribués aux fidèles qui manifestent le même étonnement.
En recherche de légitimité, on déclare sans ambages : « …d’ailleurs nous sommes tous d’accord… », ajoutant : « c’est la preuve que le Saint-Esprit nous approuve… ».
Ces propos laissent rêveur. Il faut répondre. D’une part les prêtres qui n’obéissent pas à Pie XII ne constituent pas du tout l’ensemble des prêtres non una cum, loin s’en faut. En France, certaines communautés non una cum et non des moindres, se conforment à la liturgie décidée en 1955. Donc, soit on est vraiment très, très mal informé (ce que je ne crois pas), soit, avec une grande légèreté, on prend ses désirs pour des réalités. Deuxièmement, ce même prêtre, affirmant être en accord avec « tous les autres », y voit un signe d’approbation du Saint-Esprit. Alors là, il faut qu’on m’explique. L’unanimité des hommes comme preuve d’assentiment du Saint-Esprit, on ne voit pas ça souvent dans les Ecritures… Que les fidèles ne se laissent pas impressionner par des affirmations aussi extravagantes. C’est de la tentation gallicane à l’état pur.
Examinons donc les arguments.
RÉPONSE :
Il n’est pas interdit à un Pape de proposer ou d’imposer des modifications de la liturgie. Et, pour cela, il ne lui est pas interdit de prendre en compte le travail de conseillers divers.
Il n’était pas dans les habitudes de Pie XII de s’engager personnellement, et encore moins d’engager son autorité pontificale sur des textes et des décisions dont il n’aurait pas été le premier maître d’œuvre ou bien qu’il n’aurait pas complètement agrées. Pie XII était un géant de travail, un géant de probité, un géant de science religieuse.
Les mesures prises en 1955 et 1958, par exemple la nouvelle Semaine Sainte, sont dans la logique des préconisations exprimées par Pie XII dans Mediator Dei et en sont l’expression concrète. D’autre part, elles n’outrepassent pas les mises en garde exprimées dans cette même encyclique. Le Pape a veillé à cela. Le Pape est cohérent avec lui-même. Il est erroné d’affirmer que les mesures prises par Pie XII ne sont pas réellement de lui.
RÉPONSE :
Si Mgr BUGNINI s’est révélé être un traître (franc-maçon ayant œuvré contre l’Église par le bouleversement de la messe), cela ne signifie pas que ses premières menées fussent intrinsèquement mauvaises, c’est-à-dire incompatibles avec les intérêts de l’Église et le bien des âmes.
L’Abbé CEKADA indique que de nombreuses pratiques de la nouvelle messe furent introduites par petits morceaux entre 1948 et 1962.
Or, Pie XII, fut un strict défenseur de l’orthodoxie catholique. Il a opposé aux suggestions et aux pressions modernistes des limites et des interdictions précises. Ses décisions de Pape furent garanties par l’infaillibilité pontificale.
Que certaines fussent inspirées par un traitre, et qu’elles se retrouvassent ensuite dans la nouvelle messe ne change rien au fait que ce qui a été décidé jusqu’en 1958 ne peut être mauvais. On oublie trop que les décisions prises par Pie XII furent, à un degré que Dieu connaît, inspirées par Dieu Lui-même et voulues par Lui, car elles sont avalisées par le Saint-Esprit. S’il a plu à Dieu de se servir de BUGNINI nous devons nous incliner en confiance et sans discuter pour tout ce qui a été décidé jusqu’en 1958.
RÉPONSE :
Tout d’abord, évacuons cette injurieuse formulation qui fait porter au Pape et, de fait, au Saint-Esprit Lui-même, la responsabilité de la destruction de la liturgie.
Ensuite, redisons que les mesures prises jusqu’en 1958 ne sont intrinsèquement pas mauvaises. Elles ne sont pas destructrices de la liturgie. Citons l’Abbé BONNETERRE : « Pour conclure cette trop rapide étude des réformes liturgiques du Pape Pie XII, nous avons le devoir de rappeler leur parfaite orthodoxie, garantie par celle de celui qui les a promulguées. ».
Mais l’Abbé poursuit : « … mais il nous faut reconnaître aussi qu’elles constituent, pour les raisons que nous avons expliquées, les premières étapes de «l’autodémolition» de la liturgie romaine. »
Ainsi, des mesures « parfaitement orthodoxes » (intrinsèquement) prises par le Pape, constitueraient en même temps des mesures d’autodémolition. C’est incohérent.
Répondons premièrement que la validité de ces mesures n’est pas garantie par la sainteté de celui qui les a promulguées (on n’est pas très au fait du dogme de l’infaillibilité pontificale à la FSSPX dont l’Abbé faisait partie), mais elle l’est par l’assistance du Saint-Esprit garantie au Pape à cette occasion.
Deuxièmement, l’autodémolition eut lieu après Pie XII et non pendant son pontificat. Cette autodémolition ne se serait sûrement pas produite si un vrai Pape avait été élu à sa suite, et les mesures prises sous Pie XII auraient sans doute pris une tout autre valeur.
RÉPONSE :
Les décisions en matière de liturgie prises par le dernier vrai Pape et sous assistance du Saint-Esprit, n’ayant été infailliblement remplacées par aucune autre prise par aucun vrai Pape, personne n’a le droit de les changer (sauf epikie), elles continuent de s’appliquer.
En outre, le Pape redéfinit fermement, dans Mediator Dei, l’impératif d’obéissance qui s’applique à tous. Citons : « Il est nécessaire avant tout de veiller à ce que tous obéissent, avec le respect et la foi qui leur sont dus, aux décrets publiés par le concile de Trente, les pontifes romains, la Sacrée Congrégation des Rites et à tout ce que les livres liturgiques ont fixé au sujet de l’action extérieure du culte public ». C’est là un ordre du Pape, de l’Église et du Saint-Esprit qui n’est pas prévu être caduque à la mort du Pape ! « Tous » : cela inclut non seulement les contemporains de l’encyclique mais tout le monde jusqu’aujourd’hui. De quelle autorité s’autorise-t-on à le contourner ?
RÉPONSE :
Ces remarques concernant le caractère de Pie XII dans les divers écrits et déclarations que j’ai cités plus haut, sont outrageantes à son égard. Elles constituent un déni de la réalité.
Avilir l’image de Pie XII afin d’échapper à la soumission qui lui est due est une manœuvre honteuse.
Les auteurs des jugements négatifs sur Pie XII révèlent ainsi leurs propres insuffisances : superficialité des connaissances historiques ; absence de finesse d’esprit ; absence de perspicacité psychologique ; absence d’amour filial dû au Saint Père ; goût effréné d’indépendance ; absence de charité ; absence d’éducation ; absence d’intelligence ; absence de loyauté.
Bien mal connu et bien mal compris de ceux qui devraient au contraire lui être le plus attachés, Pie XII, fut au plus haut niveau un soldat, un père, un gardien de la Foi. C’était en outre un homme courtois, bienveillant, et bien élevé, qualités méconnues aujourd’hui au point qu’elles sont prises pour de la faiblesse.
Quoi qu’il en soit, les particularités de caractère d’un Pape ne justifient pas qu’on échappe au devoir de lui obéir.
Enfin, Pie XII n’ignorait pas ce qui se passait. Les réunions clandestines ne lui étaient peut-être pas connues, mais il était tout à fait averti des fortes et dangereuses tendances réformatrices qui voulaient se faire jour.
RÉPONSE :
L’application des mesures prises par Pie XII a été de courte durée, peut-être. Mais elle a eu lieu.
Ces mesures n’ont pas été validement remplacées par d’autres puisque les décisions prises après le dernier vrai Pape, par ses pseudo-successeurs, ne valent pas. Les dernières mesures régulièrement en vigueur sont celles prises sous Pie XII.
RÉPONSE :
Certes.
Reste à prouver, prises méthodiquement une par une, avec la date de leur promulgation, en quoi les différentes mesures prises par Pie XII seraient mauvaises aujourd’hui, c’est-à-dire nuisibles au salut des âmes.
Aucun effet négatif de ces mesures n’est à constater aujourd’hui dans les lieux de culte non una cum qui les appliquent. Donc la loi n’est pas devenue mauvaise a posteriori.
RÉPONSE :
Citation d’un Abbé non una cum (appliquant Saint Pie X) :
« L’Église ne peut se contredire dans son enseignement quand elle parle de la foi et de la morale (infaillibilité dogmatique), l’Église ne peut rien donner de mauvais aux fidèles, dans la liturgie notamment (infaillibilité pratique). »
Nous ne prendrons qu’un exemple très simple à comprendre : le plus grand des docteurs de l’Église (pour cela on l’appelle le « docteur commun », qu’on peut tous suivre communément), saint Thomas d’Aquin (1225-1274) enseigne que le simple fait que l’Église accepte un rite liturgique dans les sacrements nous garantit que ce rite liturgique est efficace (il fait venir la grâce), bon pour nos âmes, sanctifiant. »
L’infaillibilité pontificale va au-delà des enseignements, elle est aussi pratique et englobe les décisions relatives à la liturgie.
RÉPONSE :
L’epikie est la transgression d’une loi ou d’un ordre, rendue légitime par une situation d’urgence. Exemple cité : les enfants à qui leur mère a ordonné de ne pas sortir de la maison pendant son absence, et qui sortent quand même, la maison étant en flammes.
Or, l’on invoque l’epikie pour justifier le refus d’obéir aux décisions de Pie XII en matière de liturgie.
Le recours à cet argument est étonnant. Pour deux raisons.
Première raison. Il est clair et reconnu que les décisions de Pie XII ne sont pas mauvaises en soi, c’est-à-dire qu’elles ne mettent ni l’Église ni les âmes en danger. Ceci signifie que « la maison ne brûle pas ». On ne peut donc invoquer la situation d’urgence pour ce qui est des décisions prises par Pie XII. D’ailleurs, partout où les décisions de Pie XII sont appliquées, ça se passe bien. L’epikie ne s’applique donc pas à la situation.
Deuxième raison. Nulle part on ne trouve vraiment analysé le devoir d’obéissance au Pape. Il n’est évoqué que pour être nié. Ce devoir semble présent dans les esprits mais il se trouve furtivement évacué. De même, la nécessité de désobéir, posée comme un postulat, n’est nullement démontrée. Car l’énumération des changements affectant la liturgie jusqu’en 1958 ne s’accompagne pas de la démonstration de leur nocivité. Le centre du problème est pourtant là : dans le refus d’obéir au Pape.
Il existe donc des « catholiques traditionalistes non una cum non obéissants ». Mais « non obéissant » et « catholique » sont des termes incompatibles, l’un des deux est de trop… alors ? Grave question.
Aucune des objections énumérées ci-dessus ne suffit à justifier le refus des décisions prises sous Pie XII. Et prises toutes ensemble, elles ne suffisent pas non plus.
Les modifications par suppression décidées sous Pie XII, sont refusées parce que ce sont des suppressions (exemple jeûne de minuit) et les nouveautés sont refusées aussi parce que ce sont des nouveautés (exemple, la messe dialoguée relativement nouvelle). De toutes façons, toutes les modifications apportées sous Pie XII sont refusées, à cause de celles qui ont été prises après sa mort. La situation est bloquée.
Sans motif suffisant, choisir de ne pas obéir à une décision de l’Église est une faute qui relève du schisme. Il semble bien que nous nous trouvions dans ce cas.
Dieu le Saint-Esprit a couvert de son autorité, donc de sa volonté, les décisions concernant la liturgie prises jusqu’en 1958. Or, le Saint-Esprit qui connaît l’avenir n’ignorait pas qu’une longue période de privation de son chef terrestre allait commencer pour l’Église. Peut-on penser un seul instant que le Saint-Esprit à la veille d’une si longue et difficile période, aurait doté son Église d’une liturgie défectueuse ? Ce serait admettre qu’un père peut « donner un scorpion » à son fils. Admettre que Dieu ne prend pas bien soin de nous. Remettre en cause la validité de l’engagement du Saint-Esprit lors des décisions de 1955 par exemple, constitue une faute contre la Foi, et une méconnaissance très blessante, envers Dieu, de la sollicitude qu’il a pour nous. Nous devons être certains que la liturgie de 1955, garantie par l’amour de Dieu pour nous, ne peut être mauvaise. Elle s’impose à nous au titre de la Charité.
Les sédévacantistes sont guettés par une tentation. À partir du constat que l’Église est malade, éclipsée, morte peut-être, invisible, absente, que le siège matériel de Pierre est occupé par un usurpateur, que l’autorité légitime a disparu, on perd l’habitude vertueuse de l’obéissance hiérarchique. Les sédévacantistes pensent facilement qu’il n’y a pas d’autorité entre eux et Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ils se sentent comme orphelins, livrés à eux-mêmes, mais aussi – et ce n’est peut-être pas complètement désagréable – assez libres de leurs actes.
Pourtant, l’Église n’est pas morte. Les « porte de l’enfer ne pouvant prévaloir sur elle », il est certain qu’elle échappe à la corruption et à la mort. En tout cas, aujourd’hui, pour nous, les deux mille ans d’Église sont là, avec leurs enseignements, leur sagesse, les sacrements toujours valides, la prière continuelle des Saints. C’est cela, notre héritage, notre vie. Nous devons le prendre en compte, ce bagage apporté à nous jusqu’à ce jour par l’Église grâce à la succession des Papes, y compris le dernier. C’est bien à l’Église, aux Papes, à tous les Papes, et particulièrement au dernier Pape, qu’il faut obéir, scrupuleusement, avec une détermination totale, comme des soldats défendant sans discuter la dernière position fixée et attendant les ordres. Car c’est ce que nous sommes, des soldats qui attendent les ordres.
Obéir à tous les Papes, sauf au dernier, c’est un coup porté en revers à l’autorité de l’Église, c’est-à-dire à l’Église elle-même.
Et désobéir volontairement à l’Église ne serait-ce que sur un point, un « grain d’encens », fait que l’on se sépare de l’Église. On peut alors continuer de vivre COMME l’Église, mais on n’est plus DE l’Église.
On le sait, Pie XII a été et continue d’être terriblement attaqué par les ennemis du catholicisme. Les communistes, les francs-maçons, les nazis, qui furent ses ennemis avant, pendant et après la guerre, le sont toujours aujourd’hui bien après sa mort. Aujourd’hui encore, la maçonnerie et tous les misérables ramassis de gauche et de droite qui pourrissent la vie politique présentent de lui un personnage coupable contre l’humanité. Ils le combattent en salissant sa mémoire par les moyens les plus fourbes. Falsification de l’histoire et dénigrement systématiques sont mis en œuvre pour provoquer haine et mépris envers lui, et ce toujours aujourd’hui bien après les événements de la guerre et la mort de ce Pape.
Monseigneur Pacelli, défendit l’Église toute sa vie contre les adversaires de l’intérieur et de l’extérieur. Devenu Pape en 1939, il fut, en réalité, en première ligne depuis 1917, notamment en collaboration très étroite avec le pape Pie XI. Ce fut un géant de Foi, de Charité, de science religieuse, de caractère, de courage, de clairvoyance, de travail et d’abnégation. Sous les ors pontificaux, c’était un ascète. Il gouverna l’Église et préserva sa liberté à travers les cataclysmes du XXème siècle. Il a laissé un enseignement magnifique par ses encycliques. Pie XII est donc un très grand personnage. Le Saint Esprit ne s’est pas trompé ( ! ) en plaçant cet homme à cette époque à la tête de son Église.
Un pape est un père. Pie XII est notre dernier vrai père spirituel sur terre. Pour cette seule raison, nous devons manifester à sa mémoire une affection, un respect ainsi qu’un zèle d’obéissance particulièrement vifs. Nous devrions nous efforcer de le connaître, de connaître sa vie, le contexte de l’époque, comprendre sa personne, sa spiritualité, bien connaître l’œuvre qu’il a accomplie au service de L’Église et la prendre en relai pour autant que cela nous soit possible. Et apporter cette connaissance aux fidèles !
Or, il se produit le contraire. Ceux qui devraient avec la plus grande détermination défendre ce Pape se comportent comme ses ennemis. Voici ce qu’on peut lire : « Il fut peu efficace pour arrêter le mouvement [liturgique], mais au contraire le favorisa beaucoup par mollesse, faiblesse et négligence. ». Ce jugement téméraire et calomnieux envers le dernier Pape devra être réparé. Il n’est pas à l’honneur de son auteur. Car Pie XII n’a pas favorisé le mouvement liturgique dans sa partie dévoyée, il lui a résisté, au contraire. Il faudra bien démontrer la fausseté des accusations portées contre Pie XII, et il faudra que l’honneur de ce Pape soit rétabli un jour devant les fidèles et le public.
Parmi toute les mises en causes dont Pie XII fait l’objet, retenons l’offense consistant à confondre dans un même ensemble les décisions de Pie XII en matière de liturgie avec les manœuvres sous-terraines des démolisseurs de l’Église pendant la même période. On est allé jusqu’à l’accuser de tentation moderniste ! L’encyclique Mediator Dei (qui laisse le lecteur admiratif, « ça vole très haut ») précise tout à fait la pensée de Pie XII concernant la liturgie. Notre devoir est non pas de l’écarter, mais au contraire de l’étudier et de lui être aussi fidèles que possible toujours aujourd’hui. Il en est de même pour les décisions qui s’en sont suivies en 1955 en matière de liturgie. Bien qu’elles se trouvent écartées d’un revers de main, la politique et les réalisations de Pie XII forment un ensemble qui s’impose à nous, non seulement par sa valeur intrinsèque mais aussi et d’abord que parce qu’il porte la signature du chef de l’Église. Pie XII a laissé une position parfaitement nette, saine et praticable en ce domaine.
Les fidèles se trouvent entraînés dans cette faute qu’est le refus d’obéir, plus ou moins sciemment, plus ou moins volontairement, Dieu seul sait cela. Comme ils sont mis devant le fait accompli, le degré de leur responsabilité n’est pas mesurable humainement. Chacun vit cela dans son cœur, sous le regard de Dieu.
Aux yeux du fidèle, du fidèle normal, simple et confiant, la question du choix de la liturgie, à première vue, comme on la lui présente, ne soulève pas de problème particulier. Pour le fidèle, entre suivre la liturgie du triduum pascal de 1955, présentée comme peu souhaitable, et suivre celle de St Pie X, présentée comme exempte de tout reproche, il est juste de choisir celle qui parait la meilleure. Aux yeux du simple fidèle, il n’est pas étonnant, dans ces temps si troublés, en l’absence d’autorité pontificale, de devoir, et donc de pouvoir, choisir entre deux liturgies. Et donc, le fidèle, pris dans une avalanche d’arguments, accepte de bonne foi, les yeux fermés, de pratiquer la liturgie qui lui est présentée comme la meilleure.
Dans la situation présente de privation de messe (par exemple, à Paris, actuellement, il n’y a qu’une « bonne messe »), les fidèles se trouvent devant ce choix : soit accepter sans discuter de ne pas obéir aux dernières décisions l’Église, soit de se séparer de la dernière petite communauté religieuse qui reste, être privés de messe et vivre tout seuls leur religion. C’est un choix cruel, et, pour les nouveaux convertis, un choix qui risque d’être funeste à leur Foi naissante.
De plus, il y a là un excellent point de prise pour le démon. Celui-ci ne manquerait pas, à l’occasion d’un débat ouvert parmi les fidèles, de provoquer largement des doutes ainsi que des discordes, aboutissant à un saccage dans les âmes, surtout parmi les jeunes ou récents convertis. Il y a de bons fruits sur l’arbre. Il faut les préserver. Alors on voit que si l’ « epikie » était justifiée dans tout cette affaire, c’est bien là qu’elle se trouverait : ne pas s’opposer à une décision inéquitable devant Dieu, afin de ne pas risquer de nuire aux âmes ! Les fidèles sont, sans le savoir, dans une situation d’otages. Mais heureusement, si, en elle-même, la liturgie de Pie XII ne nuit pas aux âmes, il en est de même de celle de St Pie X, évidemment. Et comme on a choisi de ne pas obéir, comme les fidèles ne s’en sont presque pas rendu compte, comme il n’y a de mal nulle part sur le terrain, c’est fait, c’est fait, le tour est joué ! Il y aurait presque plus de mal à débattre publiquement que de s’incliner. Il faut bien continuer à vivre ! Cela rappelle aussi les agissements des modernistes eux-mêmes qui ont mis, un beau jour, tous les catholiques devant le fait accompli du funeste concile, puis, un autre beau jour, devant ses applications soi-disant obligatoires. Et il a bien fallu accepter, pour continuer à vivre… Les jeunes prêtres eux aussi, quelque part, sont otages de cette situation.
Le « petit troupeau » qui reste, on ne parvient même pas à le garder rassemblé et en paix. Des divisions touchent ce « petit reste » pourtant si petit qu’il n’y a presque plus rien à diviser. La confiance des fidèles dans ses pasteurs n’est pas honorée. La défense des chapelles passe, semble-t-il, avant celle des fidèles et avant celle de l’Église.
Quelle est la responsabilité des fidèles dans tout cela ? Et quelle est la responsabilité des responsables ? Dieu le sait.
Atteinte à la cause sédévacantiste.
Quel spectacle offrons-nous au monde catholique ? Avec un certain recul, on voit que la trahison de l’Église par les modernistes, qui a éclaté dans les années 60, a pris le monde catholique largement par surprise. L’erreur (ou trahison) de la FSSPX qui lui emboîte le pas, fut plus grave (quoique touchant beaucoup moins de monde), car elle s’est produite beaucoup plus en connaissance de cause au point de vue théologique. Mais la trahison non una cum atteint des sommets : les champions de l’infaillibilité pontificale, mettent – DE FAIT – ce dogme de côté à la première occasion, ce dogme même qui est le centre de leur position !
Est-on tombé par faiblesse ? Sciemment ? Dieu le sait. En tout cas, on voit que le démon se sert des meilleurs pour réussir ses avancées. A l’imitation inversée de Notre Seigneur, le démon, d’un bien, tente de faire un mal. C’est ce qu’il réussit en poussant, par zèle catholique, les non una cum à la désobéissance.
Ce « gallicanisme transalpino-atlantique » par lequel se trouvent écartées avec désinvolture les dernières décisions importantes prises par l’Église, les jugements outrageants envers le dernier Saint Père, sont la marque d’un esprit de révolte bien connu dans l’histoire de l’Église. Voilà ce qui est offert en spectacle au monde catholique ! La chaîne d’obéissance filiale qui nous reliait au dernier Saint Père, la voici coupée ! Nous sommes coupés de l’Église. En situation de schisme !
Hélas ! Le sédévacantisme s’offre à l’incompréhension et à la moquerie générale. Les fidèles savent-ils que dire en famille, entre amis quand ils parlent de la position sédévacantiste ? Quelles méthodes, quels arguments d’apostolat leur fournit-on leur permettant de justifier cette cause ? Mais hélas ! La position sédévacantiste est tellement contradictoire qu’il est impossible de la faire comprendre.
Et comment se défendre devant les prêtres et les fidèles de la FSSPX ? Car finalement, entre eux et les non una cum il y a une grande similitude : les uns comme les autres refusent l’obéissance à celui qu’ils reconnaissent comme pape.
En cela, les champions de la vertu d’obéissance, ce seraient finalement les modernistes !..
L’obéissance nous fait ressembler à Jésus et Marie, et elle est une vertu vitale pour l’âme. Inversement, l’esprit d’indépendance affaiblit la Foi et les coeurs. La désobéissance pousse sur un terreau d’orgueil présent au fond chacun. C’est de cela que naissent les hérésies et les schismes. S’autoriser à ne pas obéir, quand l’epikie ne s’impose pas, c’est marcher à grands pas dans le mauvais sens, le sens du « mauvais ». Et alors, le démon se frotte les mains.
Nous sommes dans ce cas. Le démon ne lâchera pas prise. De cette mauvaise racine de désobéissance d’autres rébellions sont à prévoir. Une première désobéissance ouvre inévitablement la voie à d’autres, qui ne feront pas de bien aux âmes ni à l’Église. En effet, un premier pas a été fait qui permet d’avance de remettre en cause n’importe quelle autre décision de l’Église, quand le besoin ou l’occasion se présenteront.
Quels prochains désastres se préparent ainsi ?
Dans l’Église en ordre, lorsque des décisions importantes sont à prendre, des experts étudient la question, on prie, on se réunit, on prie encore, on examine le pour et le contre, on cherche l’accord, on décide avec prudence, on se soumet, on agit.
La décision de ne pas appliquer les modifications décidées par l’Église sous Pie XII, qui en est l’inspirateur ? De quelle réflexion résulte-t-elle ? S’est-on réuni, s’est-on concerté avant de l’appliquer ? A-t-on mené une étude approfondie ? A-t-on prié le Saint-Esprit ? Ce choix est-il justifié ? Est-il légitime ? Ne risque-t-il pas de constituer une faute envers Dieu ? Si ce risque existe, quel serait le degré de la faute ? Les fidèles ne risqueraient-ils pas d’y être entraînés ? Ces questions ont-elles été posées au préalable ?
Car les ouvrages, articles, conférences et entretiens sont largement traversés par un esprit d’irrespect envers Pie XII, de méconnaissance de l’action du Saint-Esprit, d’oubli de la soumission due à la papauté, et une attitude esprit systématique de doute.
Revenir sur une décision si grave demanderait une force d’humilité héroïque. Or, c’est justement ce qui fait défaut depuis l’origine. Par conséquent, à vue humaine, il n’y a pas espoir de retour. Il y faut donc un miracle.
Mais ayons surtout cette pensée terrible et réconfortante : combien on devient vulnérable en désobéissant à Dieu, mais combien l’on est solide dans l’obéissance ! Et combien serait plus efficace le « combat contre le modernisme » si l’on gardait l’idéal de défendre les positions de l’Église là-même où le dernier Saint Père les a portées ! Ce serait mieux que de courir se mettre à l’abri à l’arrière.
Contrairement à cette déclaration hallucinante terminant un article, « il n’y a pas à obéir », nous devons nous rattraper devant Dieu et retrouver le chemin de l’obéissance. Cette démarche douloureuse mais très noble est toujours possible.
Le Bon Dieu a la patience de nous attendre, ne le faisons pas attendre.
1. D’abord et continuellement, prier :
– pour demander pardon ;
– pour être éclairé ;
– pour trouver la force de reconsidérer les mauvaises décisions.
2. Étudier en profondeur la pensée de Pie XII en matière de liturgie, à partir de l’état du Mouvement liturgique lors de son élection, de ses encycliques et des décisions prises par l’Église sous son pontificat. On doit être prêt à reconnaître que les orientations, les changements, les interdits décidés sous Pie XII forment une ligne parfaitement défendable, et qu’il faut s’en tenir à elle et l’appliquer, ni plus ni moins, dans l’attente qu’un vrai pontife donné par Dieu change ce qu’il lui paraîtra bon.
3. Réécrire correctement l’histoire du Mouvement Liturgique depuis Dom Guéranger jusqu’en 1958, en faisant état non seulement des minages souterrains dont il fut l’objet, mais aussi de ce qu’il voulut être dans l’esprit des pontifes jusqu’à Pie XII inclus.
4. Exposer la situation aux fidèles et les impliquer.
5. Restaurer la situation normale en mettant en œuvre concrètement dans tous les lieux de culte concernés, les décisions prises sous Pie XII en matière de liturgie.
« Il y a à obéir », certes, plus que jamais. Dieu en saura gré. Les fidèles, qui souffrent tant de des divisions entre les prêtres, en seront réconfortés. Ce sera justice envers le Saint Esprit. Cela réparera l’honneur de notre dernier bon Saint Père.
Il n’est pas normal qu’une simple fidèle, âgée, sans culture théologique et indigne de toute mission soit amenée à émettre semblable protestation. Elle en éprouve une grande confusion. Sa conscience en est soulagée, cependant.
Messeigneurs, Messieurs les Abbés, les fidèles ont besoin de vous, ne les conduisez pas sur les chemins hasardeux. Vous ne perdrez rien de la confiance qu’ils vous portent en changeant d’avis et en faisant demi-tour. Revenez ! Que Notre-Dame de la Médaille miraculeuse veuille bien nous obtenir ce grand miracle !
… »
Quelle idée étrange de la part de ces jeunes de désobéir au Pape Pie XII, mort depuis 65 ans, pour obéir au Pape Saint Pie X, mort depuis 109 ans ! Quelle tristesse d’entendre un énième exposé sur les raisons de la désobéissance à Pie XII délaissée au profit, croit-on, de l’obéissance à Saint Pie X.
Comment ne pas voir qu’en obéissant au Pape Pie XII on obéit aussi au Pape Saint Pie X, fatalement ? Quel exemple donnez-vous aux convertis de fraîche date si vous leur dites que nous, jeunes Catholiques, n’avons pas de pape en ce moment, que c’est une situation extrêmement triste, que la FSSPX agit très mal en triant ce qu’elle retient et ce qu’elle rejette dans le pontificat de Bergoglio, que pour nous le dernier Pape était Pie XII, mais qu’il est maintenant mort et enterré et qu’à notre tour nous piochons dans son pontificat ce qu’il est bon de garder et ce qu’il est mieux de mettre de côté, au moins provisoirement ? Ces convertis ne risquent-ils pas de se scandaliser et de se demander pour qui donc nous nous prenons ?
Vous devriez comprendre aisément et défendre mordicus que par son Magistère et par ses ordres, le Pape Pie XII contient le Pape Saint Pie X, lequel contient le Pape Saint Pie V, qui à son tour contient le Pape Saint Léon le Grand, qui contient le Pape Saint-Pierre : chaque Pape construit sur l’édifice laissé par son prédécesseur et ce qu’il lui rajoute ne peut pas être mauvais. Quand on obéit au dernier Pape, on obéit mécaniquement à toute la succession apostolique car tous les Papes ne font qu’un bloc qui ne se contredit pas et qui se résume dans le dernier Pape, représentant et interprète de la tradition vivante. Obéir aux dernières décisions du Pape Pie XII c’est l’unique moyen d’obéir en même temps à tous les Papes avant lui.
Car c’était assurément la volonté de Saint Pie X que les fidèles après sa mort obéissent à ses successeurs véritables, tout comme Saint-Pierre et tous les Papes après lui avaient souhaité la même chose. Donc en obéissant au dernier Pape, on obéit à tous et on ne désobéit à aucun.
Saint Pie X de son temps avait déjà pressenti la menace qui grandissait en se montrant très ferme et remarquablement clairvoyant dans son discours aux prêtres du 18 novembre 1912 :
« Quand on aime le Pape, on ne s’arrête pas à discuter sur ce qu’il conseille ou exige, à chercher jusqu’où va le devoir de l’obéissance, et à marquer la limite de cette obligation. Quand on aime le Pape, on n’objecte point qu’il n’a pas parlé assez clairement, comme s’il était obligé de redire à l’oreille de chacun sa volonté clairement exprimée tant de fois, non seulement de vive voix, mais par des lettres et autres documents publics ; on ne met pas en doute ses ordres sous le facile prétexte de qui ne veut pas obéir, qu’ils n’émanent pas directement de lui mais de son entourage : on ne limite pas le champ où il peut et doit exercer sa volonté ; on n’oppose pas à l’autorité du Pape celle d’autres personnes, si doctes soient- elles, qui diffèrent d’avis avec le Pape. D’ailleurs quelle que soit leur science, la sainteté leur fait défaut, car il ne saurait y avoir de sainteté là où il y a dissentiment avec le Pape ».
Nous devons être des intendants des trésors confiés, et des intendants se doivent d’être fidèles, c’est-à-dire suivre les consignes récentes et pas celles d’avant-hier. C’est ce que nous rappelle Léon XIII, d’heureuse mémoire :
« C’est faire preuve d’une soumission peu sincère que d’établir comme une opposition entre un Pontife et un autre. Ceux qui, entre deux directions diverses, repoussent le présent pour se tenir au passé, ne donnent pas une preuve d’obéissance envers l’autorité qui a le droit et le devoir de les guider : et sous quelque rapport ils ressemblent à ceux qui, condamnés, voudraient en appeler au Concile futur ou à un Pape mieux informé. » Lettre au Cardinal Guibert, 17 juin 1885
Voici quelques citations de l’encyclique « Mediator Dei » (1947) du Pape Pie XII :
« La liturgie dépend de l’autorité ecclésiastique par sa nature même. Puisque la liturgie sacrée est accomplie au premier chef par les prêtres au nom de l’Église, son ordonnancement, sa réglementation et sa forme ne peuvent pas ne pas dépendre de l’autorité de l’Église.
« Ce progrès ne peut être abandonné à l’arbitraire des personnes privées. C’est pourquoi au seul Souverain Pontife appartient le droit de reconnaître et établir tout usage concernant le culte divin, d’introduire et approuver de nouveaux rites, de modifier ceux mêmes qu’il aurait jugés immuables ; le droit et le devoir des évêques est de veiller diligemment à l’exacte observation des préceptes des saints canons sur le culte divin. Il n’est donc pas permis de laisser à l’arbitraire des personnes privées, fussent-elles de l’ordre du clergé, les choses saintes et vénérables qui touchent la vie religieuse de la société chrétienne, et de même l’exercice du sacerdoce de Jésus-Christ et le culte divin, l’honneur qui doit être rendu à la très sainte Trinité, au Verbe incarné, à son auguste Mère, et aux autres habitants du ciel, et le salut des hommes. Pour cette raison, aucune personne privée n’a le pouvoir de réglementer les actions extérieures de cette espèce, qui sont au plus haut point liées avec la discipline ecclésiastique et avec l’ordre, l’unité et la concorde du Corps mystique, et qui, plus est, fréquemment avec l’intégrité de la foi catholique elle-même.
« L’Église, sans doute, est un organisme vivant, donc, même en ce qui regarde la liturgie sacrée elle croît, se développe, évolue, et s’accommode aux formes que requièrent les nécessités et les circonstances au cours des temps, pourvu que soit sauvegardée l’intégrité de la doctrine. Néanmoins, il faut réprouver l’audace tout à fait téméraire de ceux qui, de propos délibéré, introduisent de nouvelles coutumes liturgiques ou font revivre des rites périmés, en désaccord avec les lois et rubriques maintenant en vigueur.
« En effet, la sainte liturgie est formée d’éléments humains et d’éléments divins ; ceux-ci, évidemment, ayant été établis par le divin Rédempteur, ne peuvent en aucune façon être changés par les hommes ; les premiers, au contraire, peuvent subir des modifications diverses, selon que les nécessités des temps, des choses et des âmes les demandent, et que la hiérarchie ecclésiastique, forte de l’aide de l’Esprit-Saint, les aura approuvées.
« Notre prédécesseur d’immortelle mémoire Sixte-Quint établit en l’année 1588 la Sacrée Congrégation des Rites, afin de défendre les rites légitimes de l’Église et d’en écarter tout ce qui aurait été introduit d’impur, à cette institution, de nos jours encore, il appartient, de par la fonction qui lui est dévolue, d’ordonner et décréter tout ce qui concerne la liturgie sacrée ».
À lire de telles lignes, on pourrait croire que Pie XII contemplait en temps réel certains de nos contemporains, un peu comme Moïse qui savait que son peuple se rebellerait après sa mort. Le réalisme, voire l’aspect visionnaire de ces trois Papes ne doit pas nous surprendre, car derrière les différents Papes, il y a toujours le même Saint-Esprit, qui voit aussi bien le passé, que le présent et l’avenir, et qui agit. Des gens avec une vision trop humaine l’oublieraient presque. C’est la tentation de beaucoup de jeunes, que j’ai eue également, jadis, lorsque je fus jeune moi aussi.
Vous, jeunes Catholiques, trouverez sans doute le temps de faire une retraite de Saint Ignace à l’occasion de laquelle vous pourrez examiner si votre opposition à la Semaine Sainte Restaurée et aux diverses mesures prises ou entérinées par Pie XII est compatible avec les règles suivantes prises dans les Exercices Spirituels de saint Ignace :
353 – Première règle. Renoncer à tout jugement propre et se tenir prêt à obéir promptement à la véritable Épouse de Jésus-Christ, notre Seigneur, c’est-à-dire à la sainte Église hiérarchique, notre Mère.
359 – Septième règle. Louer les lois de l’Église relativement aux jeûnes et aux abstinences du Carême, des Quatre-Temps, des Vigiles, du vendredi et du samedi; louer aussi les pénitences, non seulement intérieures, mais encore extérieures.
361 – Neuvième règle. Louer enfin tous les préceptes de l’Église, et être toujours prêt à chercher des raisons pour les justifier et les défendre, et jamais pour les condamner ou les blâmer.
362 – Dixième règle. Nous devons être plus portés à approuver et à louer les règlements, les recommandations et la conduite de nos supérieurs qu’à les blâmer: car, supposé que quelques-unes de leurs dispositions ne soient pas, ou puissent ne pas être dignes d’éloges, il est toujours vrai, à raison des murmures et du scandale, qu’il y a plus d’inconvénients que d’utilité à les condamner, soit en prêchant en public, soit en parlant devant le bas peuple; ce qui l’irriterait contre ses supérieurs temporels ou spirituels.
365 – Treizième règle. Pour ne nous écarter en rien de la vérité, nous devons toujours croire que ce qui nous paraît blanc est noir, si l’Église hiérarchique le décide ainsi.
Aux noces de Cana la Très Sainte Vierge Marie avait dit aux convives : « Faites tout ce que mon Fils vous dira ». Et ils le firent. Cette obéissance engraina le premier miracle de Notre Seigneur, alleluia.
On peut voir ici une image, et même deux, en considérant bien les choses : la Très Sainte Vierge Marie, notre Mère du Ciel, c’est l’image de l’Église, notre Mère sur Terre. Son Fils Jésus-Christ au Ciel, tête invisible de l’Église est l’image du Pape, tête visible de l’Église sur Terre. Ainsi, à Cana, c’est comme si l’Église, notre Mère, nous disait « Faites tout ce que mon Pape vous dira ». De même, chaque Pape, comme par une sorte de testament, dit aux catholiques : « Faites tout ce que mes successeurs vous diront ». Ne nous laissons pas battre en obéissance par nos ancêtres à Cana !
Saint Stanislas Kostka, fêté ce 13 novembre, nous enseigne encore ceci : « il vaut mieux faire de petites choses en obéissant que d’en faire de grandes en suivant sa propre volonté. » Et encore, cet adage n’est qu’imparfaitement adapté à notre sujet, car respecter les prescriptions de Pie XII en matière de liturgie, c’est tout sauf des petites choses. Raison de plus pour nous tous d’imiter ce jeune saint dans son obéissance.
Cette obéissance nous permet de plus de lutter contre l’amour propre, le jugement propre et la volonté propre, et conduit à notre sanctification, alors que la désobéissance s’y oppose.
Je vous invite donc fraternellement à reconsidérer votre position vis-à-vis de toutes les décisions de Sa Sainteté Pie XII et à leur accorder une acceptation et une confiance filiales.
Jerusalem, Jerusalem convertere ad Dominum Deum tuum. Saint Stanislas Kostka, priez pour nous et enseignez- nous l’obéissance. Notre Dame du Bon Conseil, éclairez-nous dans la confusion. In Christo Rege et Maria Regina.
La semaine sainte de Pie XII : « semaine sainte de Bugnini ? »
Le Père Annibale Bugnini (1912-1982) fait figure d’épouvantail pour le monde “traditionaliste”, en tant qu’il a été derrière toutes les réformes liturgiques de 1965 à 1975. Certains voudraient en faire également l’artisan principal des réformes précédentes, et notamment de la réforme de la Semaine Sainte approuvée par le Pape Pie XII en 1955, afin d’établir une continuité entre cette réforme et les réformes issues de Vatican 2. C’est la posture volontariste des modernistes qui prétendent légitimer le chaos liturgique qu’ils ont créé, mais aussi celle de certains “traditionalistes” qui prétendent justifier par là leur refus des réformes effectuées avant Vatican 2. Or cette attribution est fausse, tant du point de vue théologique et canonique, que du point de vue historique.
Point du vue théologique et canonique
• Cause efficiente principale et cause instrumentale
En philosophie et en théologie thomistes, dans l’ordre de la cause efficiente, on distingue la cause principale et la cause instrumentale. La cause efficiente principale est l’agent qui accomplit l’action en tant que telle. La cause instrumentale a une action propre, mais elle est utilisée par l’agent principal pour un but supérieur, qui dépasse ses capacités propres. Par conséquent, l’action finale doit être attribuée, en propre et au sens strict, à la cause principale, et non à la cause instrumentale. Ainsi, un instrument de musique n’est bon qu’à produire des sons, mais c’est par l’action du musicien qu’il produit véritablement une musique. De même, en ce qui concerne les lois, c’est le législateur qui doit être considéré comme leur cause principale, non pas les personnes qui travaillent à leur élaboration, car celles-ci n’ont aucun pouvoir législatif : elles peuvent produire un texte, mais pas une loi.
• Le Saint-Siège : législateur en matière de liturgie
La liturgie étant la prière publique de l’Église en tant que société, il n’appartient qu’aux Autorités de l’Église d’en établir les règles, comme il est dit clairement dans le Code de Droit Canonique :
Au Saint-Siège seul, il appartient de réglementer la liturgie et d’approuver les livres liturgiques.
Par Saint-Siège, il faut comprendre le Pape et les Sacrées Congrégations qui ont charge de l’assister dans le gouvernement de l’Église :
Sous le nom de Siège Apostolique ou de Saint-Siège sont désignés dans le Code non seulement le Pontife Romain, mais encore, à moins que la nature des choses ou le contexte n’indiquent le contraire, les Congrégations, Tribunaux et Offices par lesquels le Pontife Romain a coutume de traiter les affaires de l’Église universelle.
Dans le domaine liturgique, le pouvoir de légiférer appartient à la Sacrée Congrégation des Rites :
La Sacrée Congrégation des Rites a le droit d’examiner et de décider tout ce qui a directement rapport aux rites sacrés et aux cérémonies de l’Église latine.
Le pouvoir d’approuver des réformes liturgiques appartient donc de plein droit au Saint-Siège, qui doit être considéré comme leur cause principale.
• Les Commissions d’experts : instruments au service du Saint-Siège
Chaque Congrégation peut faire appel à des experts réunis en commissions, comme on le constate depuis le Concile de Trente. Dans le domaine liturgique, ces commissions ont pour but d’établir des rapports sur des sujets particuliers, ou de préparer des réformes qui sont présentées au Saint- Siège en vue d’une éventuelle promulgation. Le Saint-Siège les utilise pour l’élaboration des lois, mais elles n’ont aucun pouvoir législatif. Elles sont donc des causes instrumentales.
Par conséquent, au sens strict, il faut attribuer les réformes de 1955 au Saint-Siège, et, in fine, à Pie XII, Pape régnant au moment de leur promulgation, non pas à la Commission chargée de les préparer. D’ailleurs, par exemple, il ne vient à l’esprit de personne, de parler de “Bréviaire de Piacenza” pour évoquer le Bréviaire de Saint Pie X. Parler de “Semaine Sainte de Bugnini” est donc faux, au sens propre, du point de vue théologique et canonique. C’est aussi faux historiquement, même du point de vue de la cause instrumentale, car Bugnini n’a eu aucune influence dans la Com- mission pour la réforme liturgique créée à la demande du Pape Pie XII.
Point de vue historique
• La place de Bugnini dans la Commission de Pie XII est très modeste
Le 10 mai 1946, le Pape Pie XII donne l’ordre au Cardinal Carlo Salotti (1870-1947), préfet de la Sacrée Congrégation des Rites (SCR), de préparer un projet concret de réforme générale de la litur- gie. Les rapporteur et vice-rapporteur de la Section historique de cette Sacrée Congrégation, les Pères Ferdinando Antonelli O.F.M. (1896-1993), et Josef Löw C.Ss.R. (1893-1962), sont alors chargés de la rédaction d’un Mémoire sur la réforme liturgique.
Le 28 mai 1948, Pie XII demande au nouveau préfet de la SCR, le Cardinal Clemente Micara (1879- 1965), de constituer une Commission Pontificale pour la réforme liturgique . Cette Commission, présidée par le Cardinal préfet en personne, est composée de Mgr Alfonso Carinci (1862-1963), secrétaire de la SCR, du Père Antonelli, du Père Löw, de Dom Albareda O.S.B. (1892-1966), préfet de la Bibliothèque Vaticane, du Père Augustin Bea S.J. (1881-1968), de l’Institut Biblique Pontifical, et du Père Bugnini C.M., directeur des Ephémérides Liturgicæ. Il est demandé aux membres de cette Commission de garder le secret sur ses travaux, comme le prévoit le Code de Droit Canonique :
Tous ceux qui font partie des Congrégations, tribunaux ou offices de la Curie romaine sont tenus d’observer le secret, dans les limites et d’après la manière déterminée par la discipline particulière à chacun d’eux.
Bugnini, absent lors de la première réunion, est nommé secrétaire de la Commission lors de la deuxième. L’abbé Anthony Cekada (1951-2020) a cru pouvoir démontrer — sans aucune référence à l’appui la mainmise de Bugnini sur cette Commission uniquement en raison de ce titre de secrétaire :
Dans les rouages administratifs du Vatican, le Secrétaire occupe une position stratégique. (…) Dans la pratique, c’est le Secrétaire qui organise et supervise le travail quotidien du groupe : il a ainsi toute latitude pour orienter les politiques ou peser sur les dispositions prises par son département.
C’est ainsi que Bugnini (…) se trouva au poste de commande de la réforme liturgique.
Or, ce n’est pas le nom qu’il faut considérer mais la réalité historique. Bugnini lui-même ne s’attribue pas une place prépondérante dans la Commission de Pie XII. De même, pour la période de 1948 à 1960, le Chanoine Aimé-Georges Martimort (1911-2000), un de ses proches amis, ne considère Bugnini que comme un “témoin” des réformes, et non un “acteur principal”. Cette fonction de secrétaire de la Commission de Pie XII correspond à des tâches pratiques, aucunement à un rôle de direction, comme l’explique Yves Chiron :
Plus tard, Bugnini aura les mêmes fonctions de secrétaire dans la Commission préparatoire conciliaire sur la liturgie et dans le Consilium post-conciliaire pour la réforme liturgique. Mais, si dans la Commission préparatoire comme au Consilium, il eut un rôle déterminant, dans la Commissio Piana il n’eut en rien un rôle de premier plan. Il y fut un précieux exécutant et intervint peu dans les débats. Il apprit et observa beaucoup, il prit sans doute conscience de certains problèmes, mais il n’eut jamais une influence décisive.
• Le Mémoire sur la réforme liturgique n’est pas l’œuvre de Bugnini
Commencé dès 1946, alors que Bugnini n’avait aucun rapport avec la SCR, le Mémoire sur la réforme liturgique est daté du 30 décembre 1948, et signé par le Père Antonelli, contrairement à l’attribution qu’en fait Bugnini au Père Löw. Bugnini n’a participé à cette publication que par la relecture des épreuves et la compilation de l’index analytique. L’impression est terminée le 25 juin 1949, et la deuxième réunion est fixée après les vacances pour que les membres de la Commission puissent étudier le document. Lors d’une audience, le 22 juillet 1949, le Cardinal Micara et le Père Antonelli présentent une copie reliée du Mémoire au Pape Pie XII.
• Bugnini n’intervient quasiment pas lors des réunions
Si on examine les procès-verbaux des 82 réunions de la Commission, tenues du 22 juin 1948 au 8 juillet 1960, il apparait que Bugnini intervient très peu : six fois nommément, et uniquement sur des points de détail concernant le calendrier liturgique. Jamais il n’intervient dans les discussions concernant les réformes de la Semaine Sainte. Les réunions sont présidées systématiquement par le Cardinal préfet, et les discussions sont ordinairement dirigées par le Père Antonelli. Le Pape est informé des avancées de la Commission par le Cardinal préfet de la SCR en personne, lors d’audiences régulières. Les propos de Bugnini affirmant que le Pape était tenu au courant par Mgr Montini et le Père Bea sont démentis par les procès-verbaux qui témoignent des audiences du Cardinal préfet avec Pie XII. En outre, Mgr Montini, écarté de la Curie romaine en 1954, n’avait rien à voir avec cette Commission. Quant au Père Bea, il faut rappeler que le rôle de confesseur du Pape est une fonction qui regarde le for interne, et non les affaires de l’Église.
• Bugnini n’a pas préparé les textes de la Semaine Sainte de 1955
Fin 1950, la SCR est sollicitée pour une réforme de la Vigile Pascale, notamment quant à l’heure de sa célébration, à la suite de multiples demandes de la part des épiscopats français et allemands en particulier. À ce moment, la Section historique de la SCR travaillait depuis presque cinq ans à réunir la documentation nécessaire pour les réformes liturgiques à accomplir. Le Mémoire sur la réforme évoquait la question du Triduum sacré, et en particulier du Samedi-Saint, et les paragraphes concernés avaient été brièvement passés en revue par la Commission lors de sa 6ème réunion, le 27 janvier 1950. Ainsi, lors de ses 9ème et 10ème réunions, les 23 et 30 janvier 1951, la Com- mission étudie le projet proposé par le Père Antonelli pour la réforme de la Vigile Pascale. Le 9 février, le Cardinal Micara présente le schéma au Pape Pie XII, qui l’approuve : le décret de la SCR permettant l’usage de cette réforme est daté du même jour. Suite aux retours favorables et aux remarques de l’épiscopat, l’ordo de la Vigile Pascale réformé est de nouveau étudié par la Commission lors des réunions suivantes (11ème à 14ème). Après quelques modifications, la permission d’utiliser ce rite est prorogée pour les années suivantes par des décrets successifs. Le 18 octobre 1952, la Commission commence l’étude de la réforme des rites des Jeudi et Vendredi Saints, le procès-verbal de cette 24ème réunion permet de démontrer que Bugnini n’a pas élaboré ce projet de réforme :
Le T. R. P. Antonelli, Rapporteur général, expose le thème de la réunion, c’est-à-dire l’étude du transfert des rites des Jeudi et Vendredi Saints au soir de ces deux journées. Un projet correspondant à ce sujet, élaboré par le T. R. P. Löw en collaboration avec le T. R. P. Antonelli, a été distribué au cours des jours précédents aux membres de la Commission. Ce document comprend deux parties : d’une part, les Ordinationes qui introduisent le rite ; celles-ci seront examinées au cours de cette réunion ; et, d’autre part, l’Ordo, avec les textes et les rubriques, qui sera présenté à la Commission sous la forme de propositions.
Le T. R. P. Rapporteur général rappelle que, en juillet dernier, le Saint-Père avait déjà autorisé la Com- mission à étudier le problème de la réforme des Jeudi et Vendredi Saints, qui avait été demandée par différents Évêques.
Les réunions suivantes (25ème à 28ème) poursuivent sur le même sujet. L’examen d’un projet de réforme du Dimanche des Rameaux n’est abordé que lors de la 40ème réunion, le 11 mai 1954, et là encore, il est démontré, sans ambiguïté, que Bugnini n’en est pas l’auteur :
On passe ensuite à l’examen du projet de réforme des rites du dimanche des Rameaux. Le T. R. P. Löw, en collaboration avec le T. R. P. Antonelli, avait préparé et distribué aux membres de la Commission un “promemoria” avec l’exposé historique et les lignes générales du rite réformé.
Le procès-verbal de la 45ème réunion (19 octobre 1954) témoigne, une nouvelle fois, de l’implication personnelle du Pape Pie XII :
Son Éminence [le Cardinal Gaetano Cicognani (1881-1962), préfet de la SCR depuis le 7 décembre 1953] déclare que, au cours de l’audience du 18 août, il a exposé au Saint-Père la question de la réforme de la Semaine Sainte, en soulignant les deux points les plus importants et controversés, à savoir, en ce qui concerne le Jeudi Saint, la question des sépulcres, et pour le Vendredi Saint la communion des fidèles. Après avoir lu le document préparatoire réalisé par le T. R. P. Rapporteur Général et par le P. Löw, le Saint-Père a fait savoir que les difficultés relatives aux points mentionnés ne lui semblaient pas insurmontables ; toutefois, il a ajouté qu’il désirait que la question dans son ensemble fût soumise aussi à l’examen des Cardinaux de la SRC.
Le projet final est discuté lors des 51ème à 55ème réunions, de juin à octobre 1955. Les Cardinaux de la SCR, réunis en Congrégation générale le 29 juillet 1955, examinent le texte préparé par les Pères Antonelli et Löw, et approuvent la réforme. Quelques derniers ajustements sont effectués avant la publication du Décret “Maxima Redemptionis”, le 16 novembre 1955.
Les documents cités prouvent, du point de vue historique, que Bugnini n’est pas à l’origine de la Commission pour la réforme liturgique de Pie XII, qu’il n’est pas le rédacteur du Mémoire sur la réforme liturgique, base de travail de cette Commission, que son rôle de secrétaire n’était qu’un rôle d’exécutant et non de dirigeant, qu’il n’a pas rédigé les projets de réforme de la Semaine Sainte approuvés en 1955, et qu’il n’a eu aucune part dans leur conception. De plus, il ressort de ces documents historiques, que cette réforme de la Semaine Sainte a été faite sous le contrôle attentif du Pape Pie XII, et selon les procédures les plus strictes de la Curie romaine.
Conclusion
L’expression “Semaine Sainte de Bugnini” correspond à un mode de communication qui a pour but de jeter l’opprobre sur les réformes liturgiques de 1955. Elle permet d’effacer la figure du Pape Pie XII afin de se dédouaner du devoir d’obéissance à ses réformes. Ce mode de communication n’est pas admissible, car il ne repose pas sur la vérité théologique et canonique qui établit le Saint-Siège, et donc le Pape, comme législateur en matière de liturgie ; il ne repose pas non plus sur la vérité historique qui établit que Bugnini n’a eu aucune influence dans la préparation de ces réformes. Refuser, discuter et critiquer la restauration de la Semaine Sainte par le Pape Pie XII est une attitude périlleuse. Notre attitude doit être fondée sur la docilité au Magistère de l’Église, docilité qui nous maintient dans un esprit catholique en l’absence actuelle de véritable successeur de Pierre, et nous dispose le mieux à la docilité à un futur véritable successeur de Pierre.
La docilité aux dispositions et directives du Pape Pie XII en matière de liturgie nous rend aptes à rejeter Vatican 2 et sa nouvelle liturgie, lui qui dénonçait :
non sans préoccupation et sans crainte, que certains sont trop avides de nouveauté et se fourvoient hors des chemins de la saine doctrine et de la prudence. Car, en voulant et en désirant renouveler la sainte liturgie, ils font souvent intervenir des principes qui, en théorie ou en pratique, compromettent cette sainte cause, et parfois même la souillent d’erreurs qui touchent à la foi catholique et à la doctrine ascétique.
La docilité aux dispositions et directives du Pape Pie XII en matière de liturgie nous préserve également d’un “traditionalisme” malsain, lui qui dénonçait :
Sans doute, la liturgie de l’antiquité est-elle digne de vénération ; pourtant, un usage ancien ne doit pas être considéré, à raison de son seul parfum d’antiquité, comme plus convenable et meilleur, soit en lui- même, soit quant à ses effets et aux conditions nouvelles des temps et des choses.
En somme, pour reprendre les propos d’un spécialiste de l’histoire de la liturgie, quelque peu désemparé face à la réforme novatrice du Bréviaire romain par Saint Pie X :
Nous serions indignes du nom de catholiques, si nous demeurions, même un seul instant, oscillants (titubanti) entre l’obéissance filiale à la parole décisive du Souverain Pontife et l’attachement, même justifié, à la vénérable antiquité.
Source de l’article : https://www.prieuredebethleem.org/reformes_pie_xii-003/
Révérends Pères de l’IMBC,
Je vous présente mes meilleurs vœux pour une sainte année 2024, qui nous offrira 366 jours pour faire la volonté de Dieu.
J’ai bien reçu fin 2023 votre calendrier 2024 ci-joint.
Je vous le renvoie car j’y ai noté les points suivants qu’il faut corriger :
• 7 janvier : pour la France, on célèbre en priorité la Solennité de l’Épiphanie (au détriment de la Sainte Famille ; « Dura lex, sed lex »).
• 17 avril : « Saint Joseph patron de l’Église » ; cette fête n’existe plus dans le calendrier de l’Église Catholique.
• 1er mai : « Saints Philippe et Jacques, apôtres » ; cette fête n’existe plus à cette date dans le calendrier de l’Église Catholique et se célèbre désormais le 11 mai.
• 1er mai : l’Église Catholique célèbre ce jour-là la fête de « Saint Joseph Artisan ».
Plusieurs de ces erreurs, hélas, semblent se répéter d’année en année ; peut-être ne sont-ce pas de simples oublis mais une volonté assumée de ne pas obéir, pour d’obscures raisons, aux diverses prescriptions liturgiques de Pie XII, dernier Pape certain. C’est notamment le cas de la Fête de Saint Joseph Artisan.
Pourtant, Dom Guéranger, d’heureuse mémoire, nous explique ceci dans son « Année Liturgique », à la page qu’il consacre au Dimanche dans l’Octave de Noël, au Tome 2, Page 459 (édition Oudin, 1911¹ ) :
« Ainsi l’Eglise, ou plutôt Dieu même, le premier auteur du Cycle, nous a voulu faire voir combien, dans sa Naissance, l’Enfant divin, Verbe fait chair, se montre accessible à l’humanité qu’il vient sauver. »
Ainsi, quand l’Église par ses Papes modifie, ajoute, retranche ou adapte certaines choses dans le Cycle Liturgique, c’est Dieu même qui est à la manœuvre.
Déjà dans le Tome 1 de cette œuvre, en pages 13/14² , le même Dom Guéranger nous invite, nous catholiques, à n’avoir aucune honte quand nos fêtes les plus solennelles occupent la place d’anciennes fêtes païennes, voire rivalisent simultanément avec elles pendant un certain laps de temps. L’Église a depuis longtemps compris et appliqué ce principe que l’on ne détruit bien que ce que l’on remplace et que parfois le contournement est plus efficace que le combat de front. Voici ce qu’il écrit pour la fête de Noël, qui coïncide avec d’anciennes fêtes païennes liées au culte solaire lors du solstice d’hiver :
La science courte et déjà surannée des Dupuis et des Volney pensait avoir grandement ébranlé les bases de la superstition religieuse, pour avoir constaté, chez les peuples anciens, l’existence d’une fête du soleil au solstice d’hiver ; il leur semblait qu’une religion ne pouvait plus passer pour divine, du moment que les usages de son culte eussent offert des analogies avec les phénomènes d’un monde que, suivant la Révélation, Dieu n’a cependant créé que pour le Christ et pour son Eglise. Nous, catholiques, nous trouvons la confirmation de notre foi, là même où ces hommes crurent un moment apercevoir sa ruine.
Dans le Tome 3, en page 98³ , en traitant le cas des gâteaux de l’Épiphanie, il enfonce le clou pour nous convaincre qu’il n’y a pas de scrupules à avoir lorsque l’Église reprend une fête païenne pour la christianiser :
Heureuses encore aujourd’hui les familles au sein desquelles la fête des Rois se célèbre avec une pensée chrétienne ! Longtemps, un faux zèle a déclamé contre ces usages naïfs dans lesquels la gravité des pensées de la foi s’unissait aux épanchements de la vie domestique ; on a attaqué ces traditions de famille sous le prétexte du danger de l’intempérance, comme si un festin dépourvu de toute idée religieuse était moins sujet aux excès. Par une découverte assez difficile, peut-être, à justifier, on est allé jusqu’à prétendre que le gâteau de l’Epiphanie, et la royauté innocente qui l’accompagne, n’étaient qu’une imitation des Saturnales païennes ; comme si c’était la première fois que les anciennes fêtes païennes auraient eu à subir une transformation chrétienne. Le résultat de ces poursuites imprudentes devait être et a été, en effet, sur ce point comme sur tant d’autres, d’isoler de l’Église les mœurs de la famille, d’expulser de nos traditions une manifestation religieuse, d’aider à ce qu’on appelle la sécularisation de la société.
Il faut bien noter ce point : la reprise par l’Église catholique de coutumes païennes sert à éviter la sécularisation de la société. Comment peut-on d’un côté proclamer être contre la sécularisation de la société, et d’un autre côté ne pas adopter une mesure qui permet justement de s’y opposer ?
Il en résulte que si une fête païenne (certains diraient même « communiste » ou « maçonnique ») existe déjà le 1er mai, c’est une très bonne chose que l’Église y place l’importante fête religieuse de Saint Joseph Artisan pour y faire contrepoids. C’est tout à fait dans sa tradition et la lettre de Sa Sainteté Pie XII qui accompagne l’établissement de cette fête est vraiment éclairante sur ce point et contredit les propos indignes de quelques mauvaises langues sur ce sujet. De plus, alors que quasiment personne ne pouvait assister à l’ancienne fête célébrée en semaine un mercredi, il est désormais possible à tous d’assister à la nouvelle fête. Malheureusement, certains prêtres rebelles, qui s’imaginent peut-être devenir ainsi plus papistes que le Pape, privent les fidèles de l’obtention de nombreuses grâces.
Et quand bien même les avantages pratiques et les motivations pour le changement de nom et de date pour cette fête de Saint Joseph nous échapperaient, il faut nous y soumettre. Rappelons-nous les parents de NSJC lors de son recouvrement au Temple et ce que nous dit le texte de l’évangile à leur sujet : « et ipsi non intellexerunt verbum quod locutus est ad illos » : « Mais ils ne comprirent pas ce qu’Il leur disait. » Pour aller au Ciel, nous ne serons pas jugés sur ce que nous aurons compris, mais sur ce que nous aurons cru, sur ce que nous aurons fait et avec quelle confiance nous aurons obéi à l’autorité légitime.
Enfin, voyons : Pourquoi accepter de Pie XII par exemple les fêtes de Sainte Marie Reine, de Saint Pie X, de Saint Pierre Chanel, de Saint Dominique Savio, de Saint Nicolas de Flue, Saint Joseph Cafasso, Sainte Jeanne-Élisabeth Bichier des Ages, de Saint Michel Garicoïts, Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, de Sainte Catherine Labouré, Saint Antoine-Marie Claret, de Sainte Jeanne de Valois, de Sainte Émilie de Vialar ou de Sainte Marie Goretti, et refuser celle de Saint Joseph Artisan ? Saint Joseph dans son atelier est-il moins édifiant que Sainte Marie Goretti dans sa ferme ?
Après tout, les offices d’une grande partie de ces fêtes ne sont-ils pas issus, comme d’ailleurs la nouvelle messe de l’Assomption, du trop fameux « Nouveau Psautier Latin » publié en 1947 par le non moins sinistre père jésuite Augustin Bea ? Alors, pourquoi deux poids, deux mesures ? Quel est le critère, quelle est la condition ?
Et s’il y a une condition, depuis quand les catholiques devraient-ils accepter « sub conditione » les décisions pontificales en matière de la liturgie ? Où cela va-t-il nous mener ? Choisir, supposer, composer au sein ce que l’Autorité a décrété c’est déjà lui résister, et « Résister à l’autorité, c’est résister à Dieu », nous enseigne Saint Paul dans son épître aux Romains, chapitre XIII, verset 2.
Toutes les erreurs du calendrier ci-joint sont autant de rébellions contre Dieu et font qu’il n’est pas possible de considérer qu’il soit un calendrier catholique.
Aussi, pour plaire à Dieu, je vous prie de ne plus envoyer ce calendrier ni à moi, ni à d’autres, tant qu’il ne sera pas à jour des dernières décisions liturgiques de Pie XII. D’avance, je vous remercie.
In Christo Rege.
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